Nugget n’est pas juste un poulet. Elle est un fil doré qui rattache mon fils au monde.
Depuis que sa mère est partie sans un mot, il a changé. Mon petit garçon aux joues rebondies et aux histoires sans fin était devenu une ombre. Il ne parlait plus, ne mangeait plus ses crêpes préférées, et chaque rire semblait lui coûter trop cher.
Et puis un matin, au printemps, une poulette dégingandée est apparue dans notre jardin. Jaune vif, penchée sur le côté comme si elle dansait en marchant. Il l’a nommée Nugget. Et c’est elle qui a rallumé la lumière dans ses yeux.
Chaque jour, il courait vers elle dès le réveil. Il lui lisait ses rédactions, lui chuchotait ses secrets, partageait ses miettes de goûter. Et elle, comme un chien fidèle, le suivait partout.
Mais hier, Nugget avait disparu.
Il a fouillé chaque recoin, criant son nom dans les bois derrière la maison. Je l’ai aidé, bien sûr. Mais on savait tous les deux. Quelque chose n’allait pas. Pas de traces, pas de plumes, juste ce vide.
Il s’est endormi les joues mouillées, tenant entre ses doigts tremblants une photo d’elle dessinée au feutre.
Et puis, ce matin… elle était là. Dans l’allée. Échevelée, un peu salie, mais debout.
Il l’a serrée si fort qu’elle a poussé un petit gloussement étouffé. Et il a souri. Un vrai sourire. De ceux qu’il n’avait pas eus depuis des mois.
Mais moi, j’ai vu ce que lui ne voyait pas.
Un ruban rouge, noué à sa patte. Et une petite étiquette, accrochée avec soin.
Je me suis approchée doucement pour la lire.
En lettres d’enfants, on avait écrit :
« Merci pour l’amour que vous lui avez donné. Elle avait besoin de rentrer, mais elle reviendra. – M. C. »
Alors j’ai compris.
Quelque part, quelqu’un l’avait trouvée. Quelqu’un avait vu l’amour qu’un enfant lui portait. Et avait choisi de ne pas briser ce lien.
Je n’ai rien dit. Je l’ai juste regardé marcher avec elle, main sur ses plumes, comme si le monde tournait autour de leur duo.
Et peut-être… c’était un peu vrai.