Ce jour-là, la pluie semblait vouloir noyer le monde entier. Aliona lavait les légumes pour le bortsch du soir, quand la porte s’ouvrit brusquement sur Maria Nikiforovna, la belle-mère qu’elle aimait comme une seconde mère. Mais ce jour-là, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, trempée jusqu’aux os, les bras chargés de deux petits paquets emmitouflés.
— Aliona… je ne pouvais pas les laisser là…
Sans comprendre, Aliona essuya ses mains et s’approcha. Puis elle vit. Deux nourrissons, sales, tremblants, enveloppés dans des couvertures trempées.
— Où les as-tu trouvés ?
— Au vieux puits près du chemin forestier… C’est Sharik qui m’y a conduite. Il aboyait sans arrêt. Quand je me suis penchée, j’ai entendu des pleurs…
Aliona sentit une chaleur familière lui envahir la poitrine. Cinq ans qu’elle attendait d’entendre des pleurs dans cette maison. Cinq ans de vide, malgré les jouets soigneusement rangés dans une chambre inutilisée.
— Ce sont des jumeaux ? — murmura-t-elle en prenant le garçon dans ses bras. Le bébé s’accrocha à son chemisier comme s’il l’avait attendue toute sa courte vie.
Maria hocha la tête. — Un garçon, une fille. Peut-être un an. Aucun enfant n’a disparu au village. Personne ne sait d’où ils viennent.
C’est à cet instant que Stepan entra. Trempé, le regard perdu, il vit la scène sans comprendre.
— Des bébés ? Mais…
Maria expliqua tout, la voix tremblante. Stepan s’approcha lentement, prit la petite fille. Elle le fixa de ses grands yeux clairs. Quelque chose se brisa en lui.
— Ils vont aller à l’orphelinat ? — demanda-t-il.
Sa mère hocha la tête.
Il regarda Aliona. Elle le comprit sans un mot.
— On les garde, dit-il simplement.
— Oui… On les garde, murmura-t-elle.
Ce soir-là, deux inconnus dormaient sous leur toit. Et pourtant, pour la première fois depuis des années, la maison était pleine. De vie, de chaleur… et d’espoir.
Ce fut le début de leur famille. Un miracle tombé d’un puits oublié, mais gravé à jamais dans leur cœur.