Mon fiancé savait que mes parents étaient très riches, alors j’ai décidé de le tester en lui annonçant leur faillite.

— Tu ne peux même pas imaginer ce qui s’est passé, — je serrais le téléphone, tentant de garder mon calme. — Papa vient de m’appeler… Tout s’est effondré. C’est un échec total.

Le silence se fit dans l’écouteur. Presque une demi-minute.

— Qu’est-ce que tu veux dire par « échec » ? — la voix de Denis était étonnamment tendue et aiguë.

— Le business a échoué. Les dettes. Ils mettent même l’appartement en vente.

Encore une pause. Puis il se mit à parler rapidement, beaucoup trop rapidement :

— Allez, ce n’est rien. Le principal, c’est qu’ils vont bien, non ? L’argent, ça se regagne.

Je fermai les yeux. Il mentait, clairement.

Nous nous étions rencontrés lors d’une exposition d’art contemporain. J’y étais avec une amie, et lui, comme il me l’a dit, « était juste venu jeter un œil ». Une heure après, nous prenions un café ensemble, et un mois plus tard, il m’avouait qu’il était tombé amoureux.

Denis semblait parfait : cultivé, intelligent, séduisant. Mais il y avait quelque chose d’étrange — il s’intéressait trop souvent à mes parents.

— Ton père possède un réseau de restaurants ? — m’a-t-il demandé un jour.

— Oui, — ai-je répondu.

— Et ta mère, elle aussi ? Elle est copropriétaire ?

— Non, elle est décoratrice d’intérieur.

Il hocha la tête, comme s’il notait ça dans sa mémoire.

Ensuite, il y eut ces questions « innocentes » : « Où partent-ils en vacances d’habitude ? », « C’est vrai qu’ils ont une maison en Espagne ? » J’esquivais, plaisantais, mais une inquiétude grandissait en moi.

Six mois plus tard, il me demanda en mariage. C’était magnifique, romantique, avec une bague dont j’ai appris plus tard qu’elle valait presque la moitié de son salaire annuel. J’ai dit « oui », mais le soir même, j’ai décidé de le tester.

Mon amie Katia, avocate, m’a aidée à élaborer un plan : l’histoire d’une faillite soudaine de mes parents, de dettes colossales, de poursuites judiciaires.

— Si c’est un homme sincère, il restera, — m’a dit Katia.

— Et si ce n’est pas le cas… — ai-je ajouté.

— Alors il disparaîtra, — conclut-elle.

— Tu es vraiment sûre que c’est aussi grave ? — Denis souriait nerveusement au dîner. — Peut-être que ce ne sont que des difficultés temporaires ?

— Temporaire ? — j’ai feint de la tristesse. — Denis, ils doivent des millions. Et je pense… peut-être qu’on devrait reporter le mariage.

— Reporter ? — il pâlit immédiatement. — Si tu veux, on peut…

— Et il y a autre chose… — je baissai les yeux. — Je vais devoir vendre la voiture. Et déménager dans un appartement à louer.

Il s’immobilisa, la fourchette suspendue dans les airs, en me regardant.

— Déménager ? Mais tu m’avais dit que l’appartement était à toi !

— C’était le cas. Mais il a été mis en gage pour un prêt.

Il se concentra intensément sur son steak, coupant chaque morceau avec une précision inhabituelle.

Le lendemain matin, il ne m’a pas appelé. Ni dans la journée. Le soir, un message est arrivé :

« Oly, il faut qu’on parle. Je pars en déplacement pour deux semaines. On en reparle après. »

J’ai immédiatement compris ce que cela signifiait.

Trois jours plus tard, Katia m’a envoyé une capture d’écran : Denis avait changé son statut sur les réseaux sociaux en « En quête de l’amour ».

Je n’ai pas appelé, je n’ai pas fait de scène. J’ai simplement supprimé son numéro et, par l’intermédiaire d’un ami commun, lui ai rendu la bague.

Un mois après, j’ai appris qu’il sortait avec une fille dont le père possédait une entreprise de construction.

Six mois plus tard, j’ai rencontré André. Il m’a demandé si l’exposition m’avait plu. Aucun intérêt pour mes parents, aucune question curieuse.

Quand j’ai raconté mon histoire sur la « faillite », déjà en riant, il haussait simplement les épaules.

— Et alors ? Je sors avec toi, pas avec tes parents.

Trois mois après, nous nous sommes mariés. Sans tests, sans doutes. Juste de la confiance.