J’avais toujours été un motard. Une vie entière passée sur deux roues, mes mains burinées, mon visage marqué par les années et les kilomètres. Mais ce matin-là, à Sturgis, j’avais eu du mal à redresser ma Harley. Je savais que ce n’était pas juste la moto. C’était moi. Le temps avait fait son œuvre, et je n’étais plus le jeune homme robuste capable de soulever son engin sans effort. À 72 ans, chaque mouvement devenait un défi.
Mes frères de club m’avaient vu échouer, et leurs rires résonnaient encore dans ma tête. Razor, le président du club, plus jeune et plus fort que moi, m’avait aidé à relever ma Harley. “Peut-être qu’il est temps d’envisager quelque chose de plus léger”, m’avait-il suggéré avec une touche de pitié dans la voix.
Le tricycle. L’idée m’avait frappé comme un coup de poignard. Dans notre monde, c’était l’ultime humiliation. L’idée de devenir un “vieux” motard qui ne pouvait plus conduire une vraie moto me terrifiait. Pourtant, j’avais hoché la tête, feignant d’accepter.
Le soir, seul dans ma tente, j’avais regardé les jeunes motards passer, leurs corps couverts de tatouages et leurs motos flambant neuves. Ils étaient loin de comprendre ce que signifiaient vraiment ces couleurs. J’avais gagné chaque patch sur mon dos avec du sang, de la sueur et des années de fraternité.
Le lendemain, Razor et quelques-uns des jeunes membres du club étaient venus vers moi. Ils m’avaient annoncé qu’il était temps pour moi de partir. “Tu nous ralentis”, avait dit Razor, son regard dur. “Le club doit changer.”
Les mots m’avaient frappé comme une lame. J’avais l’impression que ma vie, mon identité, tout ce que j’avais construit, se brisait autour de moi. Mais au lieu de supplier, j’avais décidé de leur montrer ce que signifiait vraiment être un motard.
Ce que je fis ce jour-là, personne ne l’oubliera jamais.