Elle a abandonné ses enfants dans une forêt d’épicéas pour une vie de richesse, mais son passé l’a rattrapée 18 ans plus tard.

La lettre était pliée avec soin, glissée dans une enveloppe sans expéditeur. Le papier sentait la lavande et l’encre avait coulé par endroits, comme si elle avait été écrite dans la hâte… ou avec des larmes.

Anastasia la lut en silence, les mains tremblantes.

« À ceux qui ont trouvé mes enfants,
Je ne demande pas pardon. Je n’en ai pas le droit. Mais sachez que je les ai aimés. Je les aime encore. Je les ai laissés parce que j’étais poursuivie. Pas par la loi, mais par ma propre vie.
J’avais fait le choix d’un homme riche, d’une ville brillante, d’un avenir sans froid ni faim. Il m’a demandé de choisir entre lui et mes enfants à naître.
J’ai choisi mal.
Mais je ne les ai jamais oubliés. Je les ai cherchés partout. Et quelqu’un m’a dit qu’un vieux couple vivait avec deux enfants aux yeux d’épinettes dans un village oublié.
Je viens.
– L. »

Anastasia resta figée de longues minutes. Puis elle appela Stepan. Il lut la lettre à son tour, puis s’assit lourdement sur la marche du porche, le visage fermé.

— Tu crois que c’est… leur mère ? murmura-t-il.

— Ce n’est pas une croyance. C’est une certitude. Je sens son chagrin… et sa lâcheté.

— Que fera-t-on si elle vient vraiment ?

Anastasia ne répondit pas tout de suite. Elle regardait les enfants jouer dans la cour, les genoux sales, les rires pleins de vent.

— On écoutera. Et ensuite… on verra.

Trois jours plus tard, un 4×4 noir se gara à l’orée du village. Une femme descendit. Très belle, trop bien habillée pour cet endroit. Mais ses yeux… oh, ses yeux. Ils étaient ceux de la fillette. Ceux du garçon.

Et face à eux, Anastasia ne dit rien. Elle ouvrit la porte. Puis elle recula d’un pas.

Le passé venait de retrouver son chemin. Mais ce village, si petit soit-il, avait encore le pouvoir de décider qui était digne d’y rester.