Ce soir-là, je suis rentré fatigué, prêt à retrouver la chaleur du foyer. Sophie, comme toujours, a couru vers moi. Mais cette fois, elle tremblait.

Claire et moi avions traversé tant d’épreuves ensemble : traitements, fausses couches, et finalement, le silence accablant du deuil d’un rêve. L’adoption avait été sa lumière au bout du tunnel. J’y avais vu une renaissance. Sophie, avec ses boucles brunes et ses éclats de rire qui remplissaient la maison, avait illuminé notre monde dès le premier jour.

Un mois plus tard, tout a changé.

Ce soir-là, je suis rentré fatigué, prêt à retrouver la chaleur du foyer. Sophie, comme toujours, a couru vers moi. Mais cette fois, elle tremblait.
“Je ne veux pas partir”, a-t-elle murmuré.
Je me suis penché, alarmé.
“Personne ne va te faire partir, ma chérie.”

Mais derrière elle, Claire se tenait droite comme une statue. Elle m’a lancé ce regard que je ne connaissais que trop bien : celui qu’elle portait quand elle avait déjà pris une décision.
“Il faut qu’on parle.”

Dans le salon, elle a expliqué.
“Je ne peux pas,” a-t-elle dit. “Je pensais que ça irait. Mais je ne ressens rien. Je fais semblant depuis des semaines. Elle n’est pas notre fille… pas pour moi.”

J’étais abasourdi. “Claire, ce n’est pas un essai. On ne peut pas rendre un enfant comme un pull mal taillé.”

Elle a secoué la tête. “Je me perds, Marc. Je fais des cauchemars. Je me lève la nuit et je la regarde dormir, et je me dis : ce n’est pas elle que j’ai portée. Ce n’est pas celle que j’ai rêvée.”

Les mots étaient tranchants. Et pourtant, je comprenais. Ce n’était pas de la cruauté. C’était une douleur mal guérie.

“Alors moi,” ai-je dit, la gorge nouée, “je resterai. Avec elle.”

Claire a pleuré. Le lendemain, elle est partie.

Sophie dort encore dans la chambre d’amis devenue la sienne. Parfois, elle demande où est maman. Je lui réponds doucement :
“Maman est partie, mais papa est là. Et je ne partirai jamais.”

Et chaque soir, quand elle s’endort, je reste un moment, à lui tenir la main. Parce qu’elle m’a choisi, et moi, je l’ai choisie. Pour toujours.