Baxter ne dort plus la nuit
Depuis notre retour, Baxter ne dort plus la nuit.
Il reste allongé près de la porte du garage, les yeux fixés sur l’ombre des arbres dans le jardin, comme s’il attendait que quelque chose — ou quelqu’un — revienne. Il ne mange que par petites bouchées, du bout des dents, et quand la pluie tombe, il s’avance dehors et s’assoit sous le ciel gris. Sans bouger. Comme s’il cherchait à se laver de quelque chose que nous ne comprenons pas.
Tout avait pourtant été méticuleusement prévu. La dog-sitter, Camille, avait l’air parfaite : douce, expérimentée, avec des avis dithyrambiques et des photos attendrissantes sur son profil. Elle avait même insisté pour qu’on lui laisse le moindre détail de la routine de Baxter. Jazz doux, friandises bio, promenade du soir avec harnais anti-stress. Elle avait promis de s’en occuper “comme d’un membre de sa propre famille.”
Mais il y a ce regard, maintenant. Celui de Baxter. Ce mélange d’effroi et de résignation, chaque fois qu’une porte s’ouvre ou qu’une chaussure grince.
Je me suis forcé à regarder les enregistrements de la caméra du salon. Une journée. Puis deux. Il y avait bien Camille, au début. Mais très vite, elle ne venait plus. Ou alors, si brièvement que Baxter n’avait même pas le temps de réagir. Pendant des heures, il restait seul. À hurler parfois. À pleurer. À s’endormir contre la porte.
Et puis, le cinquième jour, un homme est entré. Inconnu. Visage flouté par l’angle, mais sa voix — rauque, sèche — me retourne encore l’estomac. Baxter s’est recroquevillé sous la table. L’homme a ri.
J’ai arrêté la vidéo là.
J’ai appelé la police.
Aujourd’hui, Baxter reste près de moi. Toujours. Même quand je sors les poubelles ou vais chercher le courrier. Il me suit, collé à mes pas comme une ombre inquiète.
Je ne sais pas encore comment réparer ce qu’on lui a fait.
Mais je jure que je ne partirai plus jamais sans lui.