Stas s’était toujours cru libre. Libre d’aimer à sa façon, de disparaître quand ça l’arrangeait, de ne jamais rien promettre. Pourtant, depuis que Lera était repartie de chez Artem, il se surprenait à chercher son regard plus longtemps que nécessaire. Il lui offrait des cafés, des silences, des épaules – mais sans jamais trop s’avancer.
Un soir, alors qu’ils riaient tous les trois chez Nina autour d’un plat de bortsch, il la vit sourire à un inconnu au marché, le lendemain. Un sourire simple, amical. Et pourtant, une brûlure lui grimpa dans la poitrine. Jaloux. Il se découvrait jaloux.
Lera, elle, reconstruisait. Lentement. Elle dormait encore parfois chez Nina, partageait ses journées entre petits boulots et séances chez la psy. Elle ne parlait pas d’amour, pas encore. Juste de liberté, de respect, d’espace.
Stas, rongé par l’angoisse de la perdre sans même l’avoir retrouvée, devint brusquement plus présent. Un message chaque matin. Des fleurs. Des propositions de week-end. Lera fronça les sourcils.
« Tu veux quoi, exactement, Stas ? Me rassurer ou me retenir ? »
Il n’avait pas su répondre. Alors il s’était absenté trois jours. Disparu. À l’ancienne.
Nina haussa les épaules : « L’instinct du fuyard. Il reviendra quand il comprendra que tu n’es pas un prix à garder sous verre. »
Quand Stas revint, les yeux battus, le regard honnête, il la trouva sur un banc, un carnet à la main. Elle écrivait.
« J’ai eu peur de te perdre », murmura-t-il.
Elle referma son carnet. « Tu ne peux pas perdre ce que tu ne possèdes pas. Je ne suis à personne, Stas. Mais je peux choisir d’être avec quelqu’un. »
Il s’assit à côté d’elle. En silence. Pas d’excuses, pas de promesses.
Ce soir-là, ils rentrèrent ensemble chez Nina. Juste deux êtres imparfaits, côte à côte. Pas de chaînes. Pas de clés.
Seulement deux cœurs qui, pour une fois, n’avaient pas besoin de fuir.