Ils l’ont jetée comme un déchet. À notre arrivée, elle avait presque arrêté de pleurer. Ce qui s’est passé ensuite, personne ne s’y attendait.

Ce jour-là, nous ne sommes pas allés aux poubelles. C’était un dimanche matin tranquille, un de ces jours où l’on a l’impression que le monde retient son souffle. Dima lisait sur le canapé, les pieds sous une couverture, et moi, je faisais du thé dans la cuisine. La radio parlait d’averses possibles, mais dehors, le ciel était encore clair, presque trop calme.

Un bruit sourd a résonné dans la cour. Quelque chose, ou quelqu’un, venait de heurter le portail. Dima s’est levé le premier, jetant un coup d’œil par la fenêtre.

— Il y a quelqu’un dehors, a-t-il dit.

Je l’ai rejoint. Une silhouette frêle, enveloppée dans un manteau trop grand, se tenait devant notre immeuble. C’était une jeune fille. Elle ne devait pas avoir plus de seize ans. Trempée jusqu’aux os, elle serrait contre elle un petit paquet, comme si sa vie en dépendait.

Nous sommes sortis sans réfléchir. En nous voyant, elle a reculé d’un pas, méfiante, prête à fuir.

— On ne va pas te faire de mal, a dit doucement Dima. Tu as besoin d’aide ?

Elle a baissé les yeux. Le paquet dans ses bras a remué. Un bébé. Un tout petit bébé, enveloppé dans une vieille écharpe.

Elle a murmuré, presque inaudible :
— Je… je ne peux pas le garder. Je n’ai nulle part où aller…

Ses jambes ont flanché. Dima l’a rattrapée de justesse. Nous l’avons fait entrer, donné des vêtements secs, du thé chaud. Elle s’appelait Lena. Elle avait fui un foyer violent. Le bébé avait trois jours. Pas encore de nom.

Ce soir-là, nous étions trois autour de la table, puis quatre. La chaleur de la cuisine contrastait avec la froideur de ce que Lena avait traversé. Dima, sans poser de question, a caressé doucement la tête du nourrisson.

— On va s’en occuper, a-t-il dit. Tous ensemble.

Et pour la première fois depuis longtemps, j’ai vu dans ses yeux quelque chose de nouveau. Une lueur fragile, mais réelle : l’espoir.