Le soir de notre anniversaire, mon mari a glissé quelque chose dans mon verre. J’ai préféré le remplacer par celui de sa sœur.

Le soir de notre douzième anniversaire de mariage, tout semblait parfait. Une petite réception intime dans notre salon, des bougies, du vin rouge et les rires étouffés de nos proches. Mon mari, Vadim, était détendu, presque trop. Depuis quelques semaines, je le trouvais nerveux, distant, puis étrangement attentionné. Ce soir-là, il était charmant, drôle, irréprochable.

Vers minuit, il a proposé un toast. Il a levé son verre et m’a regardée avec intensité.

— À nous, à l’éternité, a-t-il dit.

Mais avant que je ne touche mon verre, j’ai vu son regard glisser furtivement vers celui que je tenais. Un frisson m’a parcouru l’échine. Quelque chose n’allait pas.

Un sixième sens — peut-être la peur, peut-être la lucidité — m’a soufflé de changer de verre. Sa sœur, Elvira, était à côté. Elle riait, occupée à prendre une photo. J’ai profité d’un moment de flottement pour intervertir nos verres sans bruit.

Quelques minutes plus tard, Elvira s’est levée en titubant. Elle s’est effondrée devant nous, les yeux révulsés. La panique s’est emparée de la pièce. Vadim a blêmi. Il n’a même pas couru vers sa sœur. Il m’a simplement regardée.

Son silence m’a tout dit.

À l’hôpital, Elvira a survécu. Intoxication sévère, ont dit les médecins. Trop sévère pour être accidentelle. Moi, je n’ai rien dit. Pas encore. J’ai joué mon rôle. L’épouse inquiète, bouleversée, aimante.

Mais cette nuit-là, quelque chose est mort en moi.

Le lendemain, j’ai commencé à fouiller. Ordonnances, relevés bancaires, historiques de navigation. Et je suis tombée sur une adresse e-mail inconnue. Des messages codés, des instructions, une date : notre anniversaire. Le plan était clair. Disparaître après « l’accident ». Invoquer le deuil. Récupérer l’héritage. Recommencer ailleurs, avec quelqu’un d’autre.

Mais j’étais encore là.

J’ai engagé un avocat discret, puis un détective. Pendant deux semaines, j’ai gardé le masque. Je cuisinais ses plats préférés, riais à ses blagues, dormais à ses côtés. Il croyait avoir gagné.

Jusqu’au soir où je l’ai invité à trinquer à nouveau. Même décor. Même vin. Même mots.

— À nous, ai-je dit en lui tendant son verre.

Il a bu d’un trait. Moi, je n’ai pas touché au mien.

Puis, on a frappé à la porte.

— Monsieur Vadim Petrov, vous êtes en état d’arrestation pour tentative d’homicide aggravé.

Il a vacillé.

— Tu… m’as tendu un piège ?

Je lui ai souri pour la dernière fois.

— Non, Vadim. Je t’ai offert un miroir.