Mon fiancé ne s’est pas présenté à la cérémonie – à la place, deux policiers sont entrés. Et ce que j’ai découvert ensuite m’a laissée sans voix.
Je me souviendrai toujours de ce jour. Tout devait être parfait — notre mariage, le début d’un conte de fées. Mais au lieu d’échanger nos vœux, je suis restée pétrifiée au centre de la salle, tandis que deux policiers s’approchaient lentement de moi, une photo à la main.
— Madame, est-ce que vous reconnaissez cet homme ?
Mais reprenons depuis le début.
J’ai rencontré Alexandre six mois plus tôt, lors d’un vernissage organisé dans une petite galerie parisienne. Mon amie Chloé m’y avait traînée presque de force. Il exposait ce soir-là. J’ai été immédiatement captivée par la force émotionnelle de ses toiles.
Alexandre n’avait rien à voir avec les hommes que j’avais fréquentés jusqu’alors. Il n’avait ni situation stable, ni voiture, ni compte bancaire bien garni. Mais il débordait de générosité, d’intelligence et de passion.
Quatre mois après notre rencontre, il s’est agenouillé devant moi dans un parc, au crépuscule, une bague en argent ciselée à la main, un petit bouquet de fleurs des champs dans l’autre.
J’ai dit oui sans réfléchir. Comment aurais-je pu refuser ?
Mais mon père, Monsieur Delcourt, n’a pas partagé mon enthousiasme.
— Tu veux épouser un homme que tu connais depuis quelques mois ? lança-t-il d’un ton sec, un verre de cognac à la main.
— Un rêveur sans avenir, avec pour tout bagage quelques pinceaux et une toile trouée ?
— Alexandre m’aime pour ce que je suis ! lui ai-je répondu. Tout ne tourne pas autour de l’argent !
Il ne me croyait pas. Ma mère, plus réservée, m’avait laissée faire… mais ses silences étaient lourds de doutes.
Le matin du mariage était un mélange d’euphorie et de tension. Mes parents étaient arrivés tôt pour s’occuper des derniers détails au domaine que nous avions réservé, tandis que je me préparais à l’étage avec mes témoins.
Mais à mesure que les minutes passaient, une angoisse sourde s’installait. Alexandre n’était toujours pas là.
Je l’ai appelé. Trois fois. Boîte vocale.
La cérémonie devait commencer à 15 h. À 15 h 45, les murmures dans la salle se faisaient de plus en plus insistants. Je sentais les regards, les suppositions.
Et c’est là que les portes ont claqué.
Deux hommes en uniforme sont entrés, solennels.
— Madame, dit l’un en me montrant une photo. Reconnaissez-vous cet homme ?
— Oui, ai-je balbutié, la gorge nouée. C’est Alexandre… mon fiancé. Il lui est arrivé quelque chose ?
L’officier prit une grande inspiration.
— Nous sommes désolés. Ce matin, il a été surpris en train de pénétrer dans votre propriété familiale. Il tentait apparemment de la cambrioler.
Le silence fut total… puis une vague d’exclamations et de stupeur a balayé la salle.
— C’est impossible ! Il n’aurait jamais fait ça !
Mais mon père, lui, n’a pas semblé surpris.
— Je vous avais prévenue, dit-il sèchement, croisant les bras.
J’avais du mal à respirer. Je n’entendais déjà plus ce que les policiers disaient. Juste ces mots qui tournaient en boucle : Cambriolage. Trahison. Arrestation.
Ils nous ont proposé de les suivre sur les lieux, pour confirmer les faits.
Mais ils ne nous ont pas emmenés dans un commissariat.
Ils nous ont conduits à un ancien atelier, en périphérie de la ville. Un entrepôt apparemment abandonné.
— Où sommes-nous ?! s’est exclamé mon père, suspicieux.
L’un des officiers sourit légèrement.
— Il vaut mieux que vous le voyiez par vous-même.
Quand ils ont ouvert la porte, j’ai cru que mes jambes allaient me lâcher.
Le sol était recouvert de pots de peinture, de croquis, de pinceaux en désordre. L’air sentait le vernis et la toile humide. C’était l’atelier d’Alexandre.
Et sur le mur principal… un immense tableau.
Un portrait de couple, sublime. Moi, dans ma robe blanche, les cheveux relevés en un chignon romantique, tenant la main d’Alexandre. Nos regards remplis d’amour, figés pour l’éternité.
En bas à droite, quatre mots peints à la main :
Pour toujours à toi – A.
Je n’ai même pas eu le temps de réaliser. Derrière une grande toile, Alexandre est apparu, les mains couvertes de peinture.
— Surprise…
— Qu’est-ce que c’est que ça ? ai-je murmuré, les larmes aux yeux.
— C’est mon cadeau de mariage, Camille. Je voulais te donner quelque chose d’unique, de personnel. Quelque chose qui dure plus longtemps qu’une robe ou une soirée. J’ai engagé des comédiens pour jouer le rôle des policiers. C’était fou, je sais. Mais je voulais te montrer à quel point je t’aime… de manière inoubliable.
Mon père était sans voix. Puis, à ma grande surprise, il a ri.
— Eh bien… tu as du cran, garçon. Je ne te fais toujours pas totalement confiance, mais tu as gagné mon respect aujourd’hui.
Moi ? J’étais sous le choc. Et furieuse.
— Alexandre ! Tu m’as fait une peur bleue ! Tu sais ce que j’ai ressenti, seule devant tout le monde ? C’était notre mariage !
— Je sais… mais quand j’ai commencé la fresque, je n’ai pas pu m’arrêter. Tu comprends, n’est-ce pas ? L’inspiration était trop forte…
Je voulais lui hurler dessus. Je voulais pleurer, le frapper, fuir.
Mais à la place… j’ai éclaté de rire. Un rire nerveux, libérateur. Et je me suis jetée dans ses bras.
— C’est le cadeau le plus fou, le plus beau, le plus idiot du monde, lui ai-je soufflé.
Nous sommes retournés ensemble à la salle. Les invités nous attendaient, un peu perdus, mais rapidement charmés par l’histoire.
Durant le dîner, mon père a levé son verre et dit :
— Il m’a fallu une fausse arrestation pour comprendre que cet homme n’est peut-être pas fou… juste amoureux.
Ce jour-là, j’ai compris que l’amour, le vrai, ne suit pas toujours les règles ni les horaires.
Et Alexandre ?
C’était bien plus qu’un mari.
C’était l’artiste de mon cœur. Ma plus belle œuvre inattendue.