Aleptina était un mystère pour tous. Depuis son arrivée dans la banque, elle ne prononçait jamais un mot. Elle était la femme de ménage silencieuse, discrète, qui parcourait les couloirs en silence, balayant et nettoyant sans que personne ne sache rien d’elle. Les rires des employés résonnaient parfois, mais elle ne répondait jamais, se contentant de continuer son travail.
Personne ne savait qu’Aleptina avait un autre nom, qu’elle était autrefois Alia, une enseignante et une artiste aux talents rares. Sa voix était une mélodie qui pouvait enchanter, ses toiles étaient des chefs-d’œuvre. Mais cela appartenait désormais au passé. Un événement tragique avait effacé sa vie d’avant. Lors de l’incendie qui ravagea un immeuble un été, elle sauva un enfant et sa mère, mais seul l’enfant, Lesha, survécut. La mère mourut, et Alia, brisée, perdit sa voix à jamais.
Elle se réfugia dans l’anonymat, loin des arts, des souvenirs, de tout ce qui aurait pu la faire revivre. Le travail de femme de ménage était la seule occupation qui l’empêchait de sombrer dans la folie.
Un matin, un événement inattendu brisa la routine. Une voiture noire s’arrêta devant l’immeuble. Le directeur régional, Sergueï Mikhaïlovitch, un homme aux yeux perçants, entra dans le hall. Le personnel se précipita pour l’accueillir, mais il s’arrêta en apercevant Aleptina, au fond de la pièce, en train de frotter le sol.
Il s’approcha lentement, une émotion intense dans les yeux. Il tomba à genoux devant elle, ses mains tremblant légèrement alors qu’il lui retirait doucement ses gants. « Alia… » murmura-t-il, « Je t’ai cherchée pendant des années… » Le silence envahit la pièce. Et, pour la première fois depuis des années, Aleptina leva les yeux, un éclat de reconnaissance dans son regard. L’histoire, elle, ne faisait que commencer.